Bienvenue à la tofuterie du Bugey !

Le Tofu nature du Bugey
« Il est parfaitement possible de nourrir l'Europe en quantité suffisante avec une agriculture biologique, sans importation ni engrais de synthèse. Pour cela, il faut changer radicalement nos façons de consommer : augmenter la proportion de protéines végétales dans notre alimentation, développer des petits systèmes en polyculture-élevage au lieu de spécialiser les bassins de production, arrêter l'importation de soja et des autres matières premières, généraliser les rotations de cultures avec les légumineuses, limiter les gaspillages. Et pour faire fonctionner tout ça, il faut plus de paysans et de paysannes »[i].
En décembre 2020, elles se topent dans la main pour lancer ce projet. Moins d'un an et demi plus tard, le tofu du Bugey est né. Elles sont toutes les deux issues du monde de l'élevage paysan et de la transformation fromagère, Gaëlle était salariée d'une ferme caprine et Fanny est bergère en estive et ancienne paysanne en brebis laitières. Elles souhaitaient conserver une activité agricole et garder du temps pour d'autres projets, personnels, associatifs ou professionnels (Gaëlle continue à travailler sur des fermes d'élevage et Fanny part toujours en estive). Pour ce faire, elles créent une organisation qui permet que tout le travail soit faisable par une seule.
Elles profitent dans le Bugey d'un grand réseau d'entraide entre fermes. Une ferme voisine livre pour elles leurs produits à Aix-les-bains et elles donnent l'okara[1] pour l'alimentation animale.
La surface dont elles disposent à Peyrieu pour cultiver ne leur donnant pas assez de souplesse dans les rotations, elles ont conclu un contrat d'entraide avec leurs voisins directs, maraîchers : elles viennent travailler occasionnellement dans les champs, leur soja intègre les rotations et elles utilisent le tracteur. Elles n'hésitent pas non plus à aller provoquer leur chance : c'est par exemple en toquant à la porte des mairies du Sud du Bugey qu'elles se voient proposer la location d'un local de transformation à St Martin de Bavel.
Loin d'une volonté de concurrence à la consommation de viande en général, c'est le projet d'une société viable qu'elles prônent par leur activité. « Dans nos têtes, c'est très clair, ce n'est pas une opposition à l'élevage paysan mais à l'agro-industrie ». Cette lutte, elles la considèrent en local et en global : « Pour arrêter la catastrophe écologique et sociale liée à la culture du soja en Amérique latine, on doit commencer à en cultiver ici ».
Installées avec Les Fermes Partagées (voir encadré), Gaëlle et Fanny sont entrepreneures-salariées. Cet outil a toute sa pertinence pour les deux tofeuses. La place des femmes dans la paysannerie et la conquête d'une réelle égalité Femme-Homme est un autre de leurs chevaux de bataille. Fanny citait pour exemple l'étude sociologique[2] qui présente qu'en cas de séparation d'un couple d'associés, l'homme garde dans la majorité des cas l'outil de production. Le fonctionnement statutaire des Fermes partagées diminue l'enjeu patrimonial d'une installation agricole et favorise les départs et arrivées sur une ferme, ce que Fanny et Gaëlle considèrent comme une marge de manœuvre précieuse. Le statut de salariées leur offre aussi une meilleure protection sociale (cotisation chômage, congés maternités…)
Les Fermes partagées : la coopération au service de la transition
Née en 2021 sous l'impulsion d'un collectif de six acteurs coopératifs, Les Fermes Partagées s'est donnée trois missions :
- Accompagner le développement de projets agricoles collectifs.
- Capitaliser sur les connaissances et compétences des fermes collectives et coopératives
- Promouvoir le développement de ces projets, en complémentarité avec les structures du développement agricole déjà présentes et les acteur·rice·s de l'aval.
Face à l'enjeu du renouvellement agricole et de la transmissibilité des fermes et au changement de profil des porteur·euse·s de projets, ils agissent concrètement pour créer des conditions propices à l'installation de nouveaux paysans, en proposant des nouveaux modes d'organisation collective de la production et le passage d'une logique de capitalisation à une logique d'usage.
Aujourd'hui, la SCIC accompagne 4 fermes et est sollicitée chaque semaine par des collectifs en devenir ou en restructuration, des cédants ou des collectivités qui ont pris conscience de l'utilité d'un tel outil sur leurs territoires.
Plus d'informations : lesfermespartagees.coop ou contact@lesfermespartagees.coop
Les premiers tofus paysans, de la Suisse au Bugey, en passant par le Trièves :
Benji est paysan depuis plus de dix ans. Son régime végétarien et l'importance pour lui de consommer des produits locaux et paysans l'ont amené à chercher des alternatives protéiques paysannes. Quand il constate que l'offre est très limitée, il va rencontrer deux fermes qui produisent du tofu en Suisse et se forme. Il y a 6 ans, il crée sa ferme maraîchère et sa tofuterie dans le Trièves.
Aujourd'hui, il vend du tofu et des légumes, frais ou transformés en conserves et plats cuisinés, sur deux marchés, à des restaurateurs et en magasins de producteurs. Il transmet également ses compétences et c'est auprès de lui que Fanny et Gaëlle se sont formées.
La ferme en bref
Foncier : 3 ha en propriété, projet de cultiver 1,5 ha par an
- Contrat d'entraide avec une ferme voisine
Organisation du travail : Objectif d'un mi-temps de travail chacune
2 jours de transformation, 1 jour et demi de commercialisation par semaine
Production/commercialisation :
- Environ 40 kg de tofu vendus par semaine.
- 2 AMAP et 4 magasins de producteurs dans l'Ain et en Haute-Savoie
Label :
- Agriculture biologique
En chiffres :
- Investissement de départ : 30 000€
[1] Résidu des graines de soja après passage au moulin à meule
[2] Des exploitations agricoles au travers de l'épreuve du divorce, rapports sociaux de classe et de sexe dans l'agriculture. Céline Bessière, Sibylle Gollac
[i] Extrait du livret de recettes de Gaëlle et Fanny, basé sur l'étude « Reshaping the European agro-food system » publiée en juin 2021 dans la revue OneEarth.